Grignoter la côte normande

Récit de voyage – 1er au 3 juin 2009

Jour premier

Quelques sandwichs au froid en glacière, une carte routière pliée en huit sur mes genoux et l’oeil collé à la vitre: c’est ainsi que nous partons, Isabelle, Nelly, Philippe (un ami de Nelly) et moi-même, pour la Normandie par un matin brumeux. Au programme: deux jours d’avalage d’asphalte avec en prime du vent de bord de mer. Gloire à toi Normandie.

Comme des enfants, Nelly et moi jouons aux charades en regardant défiler à 140 kilomètres heure les arbres interminables alignés comme des échalotes. Isabelle somnole la bouche ouverte sur la banquette arrière et Philippe endort sa solitude à quelques centaines de mètres devant nous, dans sa Renaud Clio gris argent étrangement perdue dans la brume.

Au bout du chemin, Cherbourg. Le port aux airs de miroir, les larges rues pratiquement vides & le soleil fracassant nous encouragent à faire les fous. Je vois les petits bateaux de pêche qui flottent tranquillement et ça me donne envie de ramer jusqu’à l’horizon, qui n’est pas trop trop loin.

C’est à Barfleur, les deux pieds dans l’eau verte et tourmentée de la Manche, que nous croquons enfin nos sandwichs. La fureur du vent venu du large emmêle nos cheveux et le ressac éclabousse Philippe, qui bondit de peur d’abîmer son appareil. Fou rire général.

Au Bar du Goéland, où Nelly nous invite à prendre le café, nous prenons place dehors, aux tables face au port. Des clients exaspérés nous regardent se marrer alors que j’essaie de cadrer tout le monde pour capturer l’instant.

Quelques dizaines de kilomètres au sud, nous sortons en bras de chemise sur la grève d’Utah Beach, mémoire du célèbre débarquement allié sur les plages en ’44 après 1900. Beaucoup de soldats américains, venus célébrer le soixante-cinquième anniversaire du D-Day, se promènent sur les immenses plaines de sable, où se poussent du coude quelques bouquets d’algues. Les soldats voient sans doute sur les vagues leurs frères morts pour la guerre, et moi je voudrais être seule pour rentrer mes pieds dans le sable et penser un peu.

À Bayeux, c’est la révélation. Nous marchons dans les rues serrées qui rendent l’écho de nos pas, pour arriver devant la cathédrale qui tient par miracle sur une place grande comme ma paume. Pour combler le vide laissé par le grand air, nous mangeons un sympathique repas français, quatre services et cidre normand s’il-vous-plaît, dans un bistro bondé aux plafonds bas. Le soleil couchant n’a rien à voir avec mes joues rouges.

Photo
Le pique-nique sur les rochers de Barfleur, au vent et aux gouttes. | Geneviève Tremblay

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