Milan l’opulente

Récit de voyage – 4 au 6 juin 2009

Le voyage en TGV de Paris vers Milan dure huit heures et mérite sans hésitation le qualificatif d’infernal. À notre gauche, une famille italienne (comptez au moins dix personnes) fait autant de bruit qu’une batterie de cuisine en chute dans un escalier de métal. Devant nous, un couple descend systématiquement la toile devant le magnifique paysage des Alpes, moi qui voudrais plutôt être sur le toit pour ne rien manquer. Vous voyez le portrait.

Nous arrivons en gare de Milan à 22h30, fourbues, désorientées, mais électrisées d’enfin mettre le pied en Italie. Avec ma cousine Claudia qui nous attend, elle aussi fraîchement débarquée (d’Espagne, où elle termine son trimestre à l’université de Grenade), c’est le début de notre périple milanais: une bulle de confort bourgeois dans la culture italienne du nord.

À Milan, c’est le royaume du paradoxe. Une foule riche se presse sur les trottoirs impeccables, sac Gucci au bras, devant les façades reluisantes des Louis Vuitton, Versace, Dolce Gabbana et compagnie. Les Italiennes sont mises comme pour aller danser, les terrasses chic ne désemplissent pas et la ville carbure au tourisme, version élégante. À Milan, il fait beau, il fait chaud, tout est possible. C’est la ville d’Italie qui réussit, la cosmopolite, la noble.

Mais dans ses souterrains, Milan se ternit. Le métro, affreusement bruyant et sale, est truffé de pickpockets – que nous avons d’ailleurs vus en action. On s’y fait accoster brutalement par des Italiens louches, les corridors sont plutôt glauques et les affiches quasi inexistantes. Le contraste avec les rues éclatantes de la surface est total. La misère, on s’en rend compte, existe dans toutes les villes du monde.

C’est dans cette atmosphère que Claudia, Isabelle et moi découvrons Milan. Parties très tôt de chez notre nouveau couchsurfeur, Giulio, c’est devant la merveille de Milan (sa cathédrale, pardi!) que nous avalons notre premier petit-déjeuner italien: un expresso miniature et un croissant au sucre. Puis, lancées dans les avenues interminables et assourdissantes, nous croisons des tramways cliquetants, des motos à n’en plus finir et la fameuse galerie Vittorio Emmanuele II, étincelante de marbre. Milan se livre à nous dans le soleil du nord.

Avec Chiara, l’amie italienne de Claudia rencontrée devant le château Sforzesco, c’est la descente dans le coeur de Milan. Avec elle, le gelato, la pizza et le risotto n’ont plus de secrets – elle connaît d’ailleurs les meilleurs restaurants de la ville. Les églises de tous les quartiers deviennent des oeuvres d’art, le dédale des rues est un jeu d’enfant et l’italien n’est plus une frontière dans nos balbutiements anglo-franco-espagnols. Avec Chiara, bref, c’est Milan et son histoire qui s’offrent à nous.

De son côté, Giulio nous enseigne les rudiments de la lasagne, la vraie, en plus de répondre – en français! – à nos interrogations gastronomiques (nombreuses étant donné l’intérêt d’Isabelle et moi pour la cuisine). C’est dans son appartement, la nuit venue, que nous jouons du violon en riant un peu, après un souper aux chandelles et une virée au supermarché.

De ces deux jours milanais, je n’oublie pas les innombrables églises romanes, immenses et fraîches, la balade dans le tramway en bois patiné, les quelques musées vus trop vite, les montagnes de gelato (au choix: fragola, bacio, limone), mais aussi les rues sombres et la vie d’opulence qui cache une misère qu’on veut gommer.

J’aurai découvert Milan à toute vitesse, les yeux grands ouverts sur cette culture italienne vénérée dans le monde entier. Avec ses fleurs au coin de la rue le matin et ses caffè pris en une gorgée debout au comptoir, ses exclamations chantantes aux fenêtres et ses motos au bruit de purgatoire, Milan reste pour moi la première plongée italienne. Celle qui ne s’oublie pas.

Photo
Sur les toits de la cathédrale de Milan, merveille de l’architecture gothique. | Geneviève Tremblay

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