J’ai reçu une gifle

J’étais assise dans la salle de concert de la Maison des Jeunesses musicales du Canada, sur le plateau Mont-Royal. Au premier rang de chaises, devant un piano à queue noir Bösendorfer, je regardais le pianiste Winston Choi jouer les premières notes d’une polonaise. C’était le cinquième concert d’un programme organisé en l’honneur du 200e anniversaire de naissance de Chopin.

La gifle a été monumentale. Ces premières notes – à peine trois mesures – m’ont fait réaliser à quel point le piano me manque, Chopin aussi, à quel point la vie n’est qu’un paquet de nerfs et qu’on la prend trop au sérieux. Les larmes me sont montées aux yeux. Dans ma tête, et sur le papier que j’ai sorti en vitesse, j’ai écrit que je venais d’être giflée par la beauté.

De toutes les pièces de Chopin que le pianiste a jouées, les nocturnes m’ont tellement remuée que des frissons m’ont enserré la tête. Mes bras bougeaient pour jouer leur violence et leur mélancolie, ma tête dansait et les larmes remontaient en spasmes. Rarement ai-je été aussi transportée par un concert, aussi émue, aussi jetée par terre.

À la fin, épuisée, je me sentais comme si j’avais pleuré pendant trois heures. Essoufflée, transportée, enivrée, nommez tous les adjectifs, je les portais en moi à ce moment précis. J’avais l’impression que Winston Choi, si expressif dans son interprétation, avait martelé sur mon coeur chacune de ses notes. De ce concert tout intime dans une pièce lambrissée, je retiens une chose: ne jamais oublier que la vie peut s’arrêter un instant.

/Encore une fois, la photo n’est pas de moi. Je n’ai pas osé pendant le spectacle. Et puis j’étais bien trop émue.

4 Commentaires

  1. Même ton texte est émouvant ; les larmes me sont montées en le lisant.
    J’aurais aimé y être.
    Tu me manques xxx

  2. Ayoye ma soeur, tu as vécue tout qu’un moment! Je suis content pour toi! Comme si à travers ton stage (probablement) éffréné, tu avait tout à coup subi un intense moment de répis inspiré par la musique que tu aimes tant.

    Je t’en souhaite d’autres des moments comme celui-ci. Et n’oublie surtout pas que tu peux prendre toi-même un moment comme ça simplement en prenant le temps d’écouter de la musique (faute de concerts intéressants)!

    Je dis ça parce que le concert, d’une manière, nous « force » à être attentif et qu’on ne prend pas toujours soin de donner soi-même autant d’attention à la musique qu’on écoute dans notre quotidien. Par exemple, faire le ménage en écoutant le même concert ne t’aurait probablement pas aussi touché…

    J,ai bien hate de lire la suite de ton aventure montréalaise. Appelle-moi!

  3. Je te comprends tellement!

    C’est drôle que tu écrives ça là, maintenant, car il m’est arrivé de penser la même chose en fin de semaine.

    J’étais monté à Baie-Comeau pour voir un spectacle de Patrick Watson, et j’ai totalement été envoutée par la musique.

    Le soir, après le spectacle, on s’est rendu jusqu’au fleuve pour profiter du temps qu’on avait. Pourtant au milieu d’une période d’examen, je me suis sentie très calme. Comme si mon escapade m’avait remis les deux pieds sur terre. C’est là que je me suis dit: « C’est ça la vie, vivre au jour le jour, profiter de l’instant présent ». Du coup j’avais réussi à tout mettre de côté, et l’idée d’un monde bousculé par le temps et motivé par la quête de profits me répugnait. Je voulais que tout le monde ait cette prise de conscience fondamentale sur le vrai but de la vie…

    Prends soin de toi cousine, j’ai hâte de te voir!

  4. Allo Ge, tu m’as calmé ce matin avec ton texte.
    C’est super beau et puis je m’ennuie de toi!
    xxxx
    La Shtroumphette

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