Deux lectures, mille sentiments

La petite fille de Monsieur Linh

Encore une fois, je suis sous le charme, comblée, émue. Comme avec tous les autres livres de Philippe Claudel, j’ai tourné les pages La petite fille de Monsieur Linh avec délectation et admiration. L’histoire de ce vieillard probablement vietnamien et de sa petite fille, réfugiés dans un pays dont on ne connaîtra jamais le nom (comme bien d’autres choses d’ailleurs), m’a remuée. Pour sa vibrante humanité, pour ses thèmes qu’on devine plus qu’ils ne sont décrits. Même si parfois l’écriture est presque trop belle, trop naïve même, on flotte sur les vagues de l’océan que grand-père et petite-fille traversent tous les deux jusqu’au pays d’accueil en sachant que derrière les mots qui coulent, il y a la désolation, le désespoir, la résignation, mais aussi l’espérance. Casés au bureau des réfugiés, où ils connaissent le silence des journées et la désorientation de l’inconnu, Monsieur Linh et sa petite Sang dîu font un jour une rencontre qui va bouleverser leur vie, cette vie encore nostalgique de leur pays magnifique devenu martyrisé. La fin, que j’ai devinée avec stupéfaction juste avant qu’elle n’arrive, a de quoi tirer des larmes. Un très beau livre, simple, beau, rare. Lire Claudel est un plaisir qui se rapproche de l’épanouissement littéraire.

/Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, Stock, 2005

Le Passager

Après avoir rencontré l’auteur il y a quelques années, j’avais peine à croire que Patrick Senécal, cet homme simple et un peu timide, était aussi un écrivain tordu à l’imagination désaxée. Le Passager, mon premier Senécal, ma première littérature d’horreur depuis très longtemps, m’a convaincue de ne pas mettre de côté ce genre littéraire. Si au début l’écriture peu recherchée, la surabondance d’évidences et la redondance du récit m’ont fait sourciller, j’ai fini par me résigner à ne m’intéresser qu’à l’histoire – qui d’ailleurs est devenue si terrible que je n’ai pas pu lâcher le roman. Très franchement, à partir de la moitié du livre, je me suis mise à tourner les pages avec voracité. Plusieurs fois j’ai grimacé de dégoût, jusqu’à quitter le livre des yeux un instant. L’histoire de cet homme dans la trentaine, qui embarque un passager et se retrouve mêlé à une série de meurtres, est complètement démente. Chapeau à Patrick Senécal pour son sens très développé de la mécanique du récit: lorsqu’enfin on comprend la fin, tout s’éclaire soudainement et on réalise à quel point le lecteur peut lui aussi être mené en bateau.

/Patrick Senécal, Le passager, Alire, 2003

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