L’homme du quartier chinois

Assis au bout de sa table de bois, toujours la même, il n’a que des pinceaux dans un vase et un cahier très épais. Depuis que je l’observe, il ne semble pas faire autre chose qu’attendre. C’est l’homme du quartier chinois, rue de la Gauchetière.

Ce qu’il fait est un mystère. Même si, sur l’affiche décolorée posée sur le parquet devant lui, on peut lire By-tom Mon / 60 years experience, ma curiosité persiste. Quelques mots d’anglais, barbouillés entre des caractères chinois, laissent croire que l’homme peut prédire le futur.

«Do you think your life is going to be short, (?), or bad future? Maybe not at all. I’ll answer your question.»

Sa peau tannée semble rêche comme du papyrus, ses yeux sont creux et perçants, ses cheveux très blancs, sa bouche légèrement cicatrisée – comme ces hommes au passé très dur. Derrière ma caméra, je me cache; car je n’ose pas l’approcher. Voudrait-il seulement me parler? Parler à l’humain, pas à la journaliste.

Cet homme du quartier chinois, immuable, insondable, est à mes yeux un rempart contre le temps. Mes promenades dans le Quartier chinois ne seraient pas les mêmes si tout à coup il n’était plus là, immobile, à espérer qu’un jour un passant voudra l’entendre raconter un futur improbable. Ce personnage, aussi anonyme soit-il, ne peut que m’émouvoir.

Photo
L’homme en question | Geneviève Tremblay

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